Une pièce froide, un lino luisant, plus rien dans les coins. Au plafond, juste une ampoule pour éclairer cette petite chambre de gentil garçon et puis ce carton. Là, posé là…comme une valise abandonnée, dernier signal, là, en bout de quai. Dernier trait d’union, comme une dernière pelure d’oignon à peler, à pleurer, déconfis, vie en confettis. J’ai fouillé, j’ai feuilleté, des petits cahiers Héraklès. Odeur de carton humide, de papier mâché. J’ai saisis le premier, couverture rose, papier velin neige, 48 pages. Quelle classe ? C’est écrit sur la première page, lettres parfaites au rotring, année scolaire 1968 – 1969, 4ème M2 1, CES de Mehun sur Yèvre, entre parenthèse (mixte). Au milieu de la pile, un petit cahier, même format, couverture verte, le scotch a jauni mais reste collé aux quatre coins. Page 6, un cours de secourisme «comment apprendre à faire une piqûre ?». Défraîchi, jauni, vieilli, couverture kraft, un cahier de chant, des chants du Berry. Belle écriture à la plume, pas vraiment mâture mais sans rature. Fin d’année 68, j’écoutais Jimmy Hendrix, l’album «Electric Ladyland» la nuit chez Blanc Branquart, planqué sous la couette, les pieds dégivrés sur une chaufferette. La même année, debout, intimidé, devant Monsieur Carré, un prof aimable comme une pierre tombale, je fredonnais, droit comme un piquet, poitrine ouverte »je n’avais qu’un épi de blé». Le grand écart, décollage assuré, atterrissage déjanté. A genoux sur le lino, j’ai classé le tout, trois piles, les cahiers, les livres et une collection […]