MILLAU-VID Ce matin, j’ai ressorti un disque de Colette Magny « Feu et Rythme ». Pourquoi fouiner dans cette pièce tamisée ? La tête plongée dans ce meuble aux battants mal fermés ? A passer son index sur cette pile de vinyls comme autrefois chez son disquaire, l’apothicaire de la pensée, du rythme et des arpèges pièges à la mélancolie. Peut être avais-je le désir intime que l’on me déchire les tympans au sabre effilé, d’un cri déchirant, d’une voix qui sent le goudron, le torchon qui brûle, la colle à jurons. Le disque a glissé de sa pochette, je n’ai même pas eu à souffler dessus, pas une poussière, par un cil de paupière. Je l’ai posé délicatement comme on incline sa tête sur l’épaule de celle que l’on aime. J’ai poussé le bras, la galette s’est mise à tourner, première piste, le saphir a crissé, premiers mots… «Y’a quelqu’un ? Personne. Alors, y’a personne. Mais si y’a quelqu’un. Mais non y’a personne. Enfin, c’est ridicule, écoute, regarde bien, tu vois bien.» Je lève le nez. Sur le mur, je vois cette fissure zigzaguant comme un parasite en germe cheminant en aveugle sous le tissu fragile de l’épiderme. Puis deux yeux ronds me tombent dessus. Ce petit air de chien battu, ce petit strabisme. Je me lève, je le fixe, Magny me sifflant aux oreilles «alors comme ça, t’es sûr y’a personne ? ». Des mots qui bourdonnent, qui tonnent, la grande Colette, l’écorchée vive des grandes fêtes du PSU, qui me parle ainsi, […]