Le décor de ce ravitaillement est sobre et minéral même si quelques croûtes à l’huile égayent les murs à la pierre nue.
Le Viala du Pas de Jaux, c’est l’étape finale tant attendue sur le long chemin reliant deux cités Templières. Dernier petit havre salutaire sur cette Astragale cinglante et déchirante tant le vent endiablé se montre sans pitié, cisaillant les corps courbés aux abords des falaises.
Dans le coin gauche de cette salle sous plancher de la tour grenier médiévale, Christian accompagné de Jean Marie, est à la louche. Sa silhouette se distingue dans les vapeurs s’échappant des marmites et la chaleur des fourneaux, alors qu’à sa gauche, trois dames bien emmitouflées sous un surcot médiéval, servent avec courtoisie un breuvage revigorant.
A l’odeur, il n’y a aucun doute sur la nature même de cette soupe miracle. En ce 8 décembre jour de l’an 8 de l’Hivernale, un Minestrone mijote sur trois feux dans de gros faitouts. Une préparation propre aux Templiers pour ce potage épais riche, selon les recettes italiennes, en légumes de saison, en pâtes, en haricots, saupoudrée au final de Parmigiano Reggiano râpé. Seule entorse pour cette « Templière », ce sont des dés de tome de Laguiole qui agrémentent cette potion aux vertus apaisantes.
Le Minestrone, « c’est une soupe de gauche », une soupe populaire, une soupe paysanne, c’est ainsi que l’artiste milanais Giorgio Gaber, très inspiré par Jacques Brel, le chantait dans sa chanson Destra Sinistra.
Un Minestrone populaire pour une course populaire, une affirmation qui n’est pas sans déplaire à Christian lui l’ancien éducateur spé, de gauche revendiqué et ancien syndicaliste engagé et parfois enragé pour dénoncer les injustices sociales. « C’est incroyable comme ils aiment la soupe ». Christian savoure sa mission alors que les coureurs se réchauffent le bout des doigts, le nez plongé dans le gobelet à chercher les bonnes raisons qui les pousseront à sortir de ce curieux ravitaillement où règnent une ambiance chaleureuse et un curieux brassage de corps et d’états d’âmes très païens.
En bout de salle, Anaïs s’est assise sur un banc brinquebalant. Cette fille de paysans originaire du Lévezou, non loin de Vezins, connait bien ce climat capricieux qui ne semble guère effrayer ce petit bout de femme. Escapade aveyronnaise d’un week-end pour celle qui termine à Londres sa thèse de doctorat en économie et l’occasion de retrouver son copain Tim quant à lui prof d’économie à Pittsburgh aux Etats Unis à la Business School of Carnegie Mellon University.
Tous les deux, sont des enfants des Templiers, têtes pensantes de l’économie « spatiale » à la recherche de solutions pour lutter contre les disparités dans la diffusion du savoir entre le monde urbain et le monde rural.
Crottés comme des vaches les quatre sabots plantés dans la boue aux abords du ruisseau du Rieutord, ils savourent loin des théories macro-économiques, cette chaleur enveloppante, ce Minestrone en quête de simplicité dans la complexité d’une telle migration hivernale en terre templière. Comme un besoin sans cesse renouvelé d’une conquête sur soi-même. Tout ça pour une soupe chaude !? Existe-t-il une équation pour en mesurer le bon et le bien ?
Photographies réalisées au poste de ravitaillement du Viala du Pas de Jaux lors de la 8ème édition de l’Hivernale Des Templiers