31 décembre, un après-midi cool à écouter en boucle l’album d’Anwar, cet artiste belgo-marocain me transportant à l’improviste sur l’Highway 10, cette diagonale filant plein coeur dans le désert californien. Trois minutes d’une si belle chanson d’amour pour ensuite m’embarquer…comment refuser…direction Clarksdale dans le delta du Mississipi où résonne ce gratté de guitare si caractéristique des vieux bluesmen accompagnant leurs voix rauques clamant aussi bien l’amour d’une vie que le désespoir des temps modernes.
Cette balade musicale tendre et émotive fut interrompue par un SMS « Papa, pour ton réveillon, il y a une rave organisée ce soir sur le Larzac. Ca, c’est pour toi en photo ».
J’aime encore plus m’engager quand tout surgit ainsi, à l’improviste, par surprise pour m’inviter à pousser la porte de l’inconnu et de l’imprévisible, sans connaître vraiment les codes de là où je poserai les pieds pour me fondre dans une foule au risque de passer pour le naufragé d’une nuit solitaire.
22 heures, je prenais donc la 4 voies plongée dans un brouillard si épais que je loupais la sortie 48 filant direct sur le Caylar. Petit détour pour savourer cet instant de silence dans le ronronnement du moteur, calé voie de droite, une douce chaleur me montant au visage, le nez sur le volant à scruter cette foutue bande blanche fuyante se noyant dans une brume me semblant impénétrable.
Sortie 48, à nouveau, enfin, je tournais à droite, j’ouvrais les vitres, le son était bien là, lourd, puissant, répétitif, captif. J’ajustais ma frontale sur mon bonnet, le brouillard tombant en rideau devant mes carreaux. Je réglais le boitier sur 12 800 ASA et je pénétrais dans cette foule, compacte, enjouée, jeune, très jeune massée devant la seule scène de cette soirée si particulière.
Il ne me restait plus qu’à me laisser porter par le son, en me faufilant dans ce jeu d’ombres, de laser et de lumières, parfois capté par le noir total aux abords d’un parking anarchique, parfois figé sur ces visages illuminés s’offrant à mon appareil, par ces tapes sur l’épaule « Eh ! tu fais quoi là ? T’es bien ? On est bien hein ! »… » Eh ! la musique ! toi aussi tu aimes…!? »
Au pied de la scène, perché sur un mur de son, je dominais cette vague électrifiée et ondulante attendant comme moi, les 12 coups de minuit pour une explosion de joie subite, d’étreintes amoureuses, délire spontané vite englouti par un son absorbant et syncopé vous découpant le cerveau en un mille feuilles vibrant comme des lames métalliques endiablées.
Le Larzac en bonheur d’hiver…une voix robotique et ténébreuse s’intercalait dans le son hypnotique appelant à l’espérance et à la résistance. 2025 ouvrait ses volets dans l’obscurité, nous en auront bien besoin !
Photographies prises le 31 décembre 2024 et 1 janvier 2025 sur le Larzac non loin de l’Hospitalet du Larzac