Millau

10 novembre 2019

Pause café à petites foulées pour garçons de café

Le matin, c’est pas très compliqué pour me trouver. Je bois mon café place du Mandarous, là où le ristreto est brun, crémeux, épais, puissant. Je n’ai pas une place attitrée. Au gré des banquettes laissées libres par les lèves tôt comme moi qui viennent se poser les coudes sur le zinc ou sur l’une des tables pas encore poisseuses. Il y a le boucher, sa blouse blanche n’est pas encore maculée, ça parle de foot. Je n’y comprends rien. Il y a un jeune retraité. Lui, c’est un nouveau, pas d’ici. Je dirais ancien prof intello. Par les petits carreaux, je l’observe. Dehors, il fume sa clope, il rentre, chope Midi Libre. Il sort son BIC, les mots croisés ou fléchés, c’est son petit labyrinthe cérébral matinal. Il y a Nadège, elle parle fort, on ne comprend pas toujours. En si bon…ou mauvais…matin, elle est parfois dans les brumes d’un sommeil ravageur. Elle appelle le serveur « mon chéri ». Le jeune homme habillé d’un petit gilet cintré est sympa avec la dame bien cabossée. Il se prête au jeu, lui fait la bise, penché, le plateau à la main, à farfouiller dans ses poches ventrales à monnaies. Pas loin du comptoir, Il y a mamie, le serveur l’appelle « mamie ». Elle essuie, elle balaie, elle frotte, elle astique, elle range. Parfois, elle se met au perco. Elle regarde le noir coulé comme de l’or en fusion. De ses doigts fins, elle prend les tasses, un sucre et un biscuit le tout […]
28 octobre 2019

Les deux pieds dans le cercle

Matin d’automne, au Coopérateur, ya p’tite foule, Sous les platanes, petit vent d’autant, terrain du fond, ça grenouille. Les deux pieds dans le cercle, un homme un peu bouboule, Le tee shirt qui moule, les yeux qui riboulent, Une petite tête de citrouille, une bonne bouille. Assis sur un banc, l’éduc l’invite « allez sois cool » Des deux mains, il fait claquer le métal et balance la boule. Elle roule, elle roule, elle roule, Sur un sable fin comme de la semoule. L’homme se tord, vrille et ondule comme la houle, Il s’agenouille, il sert des points, il bafouille, La boule quitte sa route, destination….Kaboul. A ses côtés, un homme à la casquette lui glisse « allez ma poule »     Photographies réalisées le samedi 12 octobre 2019 lors d’une concours de pétanque Sport Adapté sur le terrain du Coopérateur à Millau – France
17 mai 2019

Le sixième sens

  Avant de publier ce reportage réalisé à l’occasion d’une épreuve Sport Adapté dans le parc de la Victoire à Millau, j’ai relu les mots de Grand Corps Malade lorsqu’il chante « Sixième sens ». Les voici…. J’ai découvert de l’intérieur un monde parallèle  Un monde où les gens te regardent avec gêne ou avec compassion  Un monde où être autonome devient un objectif irréel  Un monde qui existait sans que j’y fasse vraiment attention  Ce monde-là vit à son propre rythme et n’a pas les mêmes préoccupations  Les soucis ont une autre échelle et un moment banal peut être une très bonne occupation  Ce monde là respire le même air mais pas tout le temps avec la même facilité  Il porte un nom qui fait peur ou qui dérange : les handicapés. On met du temps à accepter ce mot, c’est lui qui finit par s’imposer  La langue française a choisi ce terme, moi j’ai rien d’autre à proposer  Rappelle-toi juste que c’est pas une insulte, on avance tous sur le même chemin  Et tout le monde crie bien fort qu’un handicapé est d’abord un être humain  Alors pourquoi tant d’embarras face à un mec en fauteuil roulant  Ou face à une aveugle, vas-y tu peux leur parler normalement  C’est pas contagieux pourtant avant de refaire mes premiers pas  Certains savent comme moi qu’y a des regards qu’on oublie pas  C’est peut-être un monde fait de décence, de silence, de résistance  Un équilibre fragile, un oiseau dans l’orage  Une frontière étroite […]
14 juillet 2018

Ca sentait bon le Larzac chaud

Lettre à mon tonton Albert que j’ai toujours appelé Albert 1er       Cher Tonton, Je ne résiste pas à l’idée de t’écrire ces quelques mots. Car ce matin, je te devine déjà froncer les sourcils, j’assistais à mon premier défilé militaire à l’occasion du 14 juillet. En réalité, ce n’est pas tout à fait une découverte. Car autrefois, j’assistais à maintes parades cadencées sous des soleils à faire fondre des enclumes dans des pays où la justice n’est que parodie, où l’on égorge encore pour un vol de poule. Comme tu le sais sans doute, cela ne t’a pas échappé, la Légion Etrangère s’est installée dans les murs du camp militaire de La Cavalerie. Je vois ton petit sourire en coin car j’ai encore le souvenir précis de cette phrase que tu répétais à qui voulait bien l’entendre « il faut toujours se méfier du mouvement de balancier ». En effet, dans ce cas précis, le retour de l’infanterie à La Cavalerie, quelle ironie du sort ! J’ai passé l’âge de te surprendre toi qui a pourtant tout essayé afin de me faire admettre que l’armée, nous en avions besoin. Je ne vais pas te resservir tes discours qui ont animé plus d’un repas de famille. Très arrosés, je l’admets. Je me souviens d’un 14 juillet, justement !!! Tu avais bien failli en venir aux mains avec ton frère René. La guerre d’Algérie a laissé de longues cicatrices que l’on n’évoque que rarement. Bon je l’avoue, mon vieux fond antimilitariste pur […]
9 mai 2018

Jour de foire du 6 mai, foire à jamais

Il est 6 heures, Millau s’éveille…les premiers camions blancs sont garés sur les bas côtés de la chaussée. Boulevard de la Capelle, le placier, sa petite sacoche en bandoulière, fait déjà sa tournée. Certains forains ont déplié parasols et étalage, certains boivent le café au cul du camion. On parle de l’orage annoncé, des affaires qui marchent mal. Ya comme un gros coup de blues qui enrhume cette foire du 6 mai. Certains gardent le sourire. D’autres annoncent leur retraite prochaine comme ce vendeur de canaris et de serins venu de Haute Loire « j’ai 72 ans, pour moi, c’est fini ». Un vendeur de nappes anti taches l’affirme « la retraite, ça me fait peur, je ne sais rien faire d’autre ». Les saucissons pendent déjà. Ils se balancent et font la gueule, sûrs et certains d’être guillotinés. Un camelot qui accroche des bikinis ultra mini fait des moulinets avec ses bras pour clamer « moi, j’aurai aimé faire du théâtre ». Place du Mandarous, un couple, la soixantaine largement dépassée plaide la bonne humeur. La veille au soir, ils ont compté leur trois sous mais ils se sont qu’en même payé un petit restau en venant de la foire de Baraqueville. Il est 8 heures, sur France Inter, Nicolas Demorand parle des GAFAM. Bon sang qu’on est loin de la Silicon Valley !!! Quelques photos prises au hasard de rencontres matinales bien avant l’arrivée des curieux et des badauds (Millau, le 7 mai 2018)