L’homme dégrafe sa ceinture, son pantalon glisse sur ses genoux. Il s’assoie sur le ciment dur, froid et rugueux, repliant d’un revers de la main sa blouse sous ses fesses « que voulez vous, je n’ai pas eu le temps de déplier mes ailes ». Deux jeunes femmes lui massent la cuisse droite, les pouces s’enfoncent dans le gras, il glousse l’œil titilleur «faut qu’en même garder l’sourire, heureusement qu’il me reste encore ça». Au p’tit matin, l’homme s’est fait plaquer au sol par une bête matrone au sortir de son camion. Peut être une fraction d’inattention, sans doute une génisse sauvageonne qui dévisse, les sabots qui claquent sur le métal, une tonne de muscles et de gras qui décolle et c’est pas de bol. En arrivant nuit mourante, les Palanges en soupentes, sur le foirail de Laissac, j’ai vite compris que mettre un pied dans ce labyrinthe, c’est comme de rentrer l’air effaré dans un bastringue enfiévré. Mieux vaut ne pas avoir la tête fracassée. J’ai fait deux pas, une main serrée sur la rambarde, j’ai vite été repéré, un éleveur de Lugans m’apostrophe, le doigt levé, bonne bouille, cheveux bouclés, «ici faut avoir des yeux partout». Aujourd’hui, c’est jour de marché aux bœufs gras de Noël. Deux à trois pas de plus pour atteindre l’allée centrale et ce curieux ballet, ce tourbillon à neutrons, vous absorbe, vous aspire. Immense corral, immense alpage, immense gare de triage en ébullition…Vachers, petits commis, éleveurs au pas de course, tout en esquive, pas […]