La photo de rue a ce côté puissamment addictif. Ce besoin irrésistible de tout lâcher pour raser les murs, se cacher dans les ombres, à marcher à pas feutrés, une paire d’yeux sur orbite, le corps tout simplement transparent pour une déambulation fantomatique. On peut craindre les overdoses et les descentes en enfer à côtoyer Lucifer, qu’importe, au contraire, elles sont le speed de cette transe non contrôlable vous poussant comme un gros coup de pied au cul à prendre la première ruelle, la main droite chargée d’un cube noir que l’on souhaite le plus discret possible, comme s’il s’agissait de planquer cette came vous infusant une énergie extraordinaire. La photo de rue est ainsi, elle vous transporte dans un état second au contact du monde réel, du quotidien ordinaire, à voler des bouts de vie, le regard s’affolant, la respiration en apnée, le corps figé comme un chien à l’arrêt devant un geste, un désordre, un point de rupture dans l’insignifiant cours tranquille de la vie. Le temps d’un déclenchement…Clac.Clac…C’est rarement ajusté comme espéré, ce temps de bascule, ce point de rupture déjà envolé mais qu’importe, c’est le prix à payer, c’est puissant. Samedi, à l’heure de l’apéro, j’ai garé mon cargo place Foch. Je ne suis pas allé bien loin. A peine quarante mètres pour m’assoir autour de la fontaine à observer cette petite vie de quartier lorsqu’une fanfare s’est installée. Etalant un petit tapis gris, des cuivres astiqués sortis de leurs housses, le micro aussitôt perché et […]