Music

12 mars 2025

Manolo à l’Aloko, entre rêverie et ivresse bienfaisante !

Entre ici et ailleurs, deux points…Une ligne droite tendue entre deux mondes comme les cordes de cette Kora fidèle compagne ventrue que Manolo caresse de ses doigts déliés pour éveiller les sens cachés de cette bienaimée. Deux balises pour accomplir ce grand voyage musical, parlé, chanté, entre ce « petit pays », sa Bourgogne natale et l’Afrique Sahélienne, visa en poche pour conquérir plus loin, montagnes, forêts denses et mangroves à percer les mystères du bambara, du dioula, du malinka et leur alphabet N’ko. Manolo ne s’en cache pas « j’ai bien tenté de chanter en mandingue mais j’ai dû renoncer. C’était de la bouillie, alors j’ai inventé mon propre langage ». Entre son port d’attache natal et ces contrées secouées par le djihadisme, cet artiste conteur s’offre des escales d’un soir, comme ce vendredi sur cette petite scène de l’Aloko, drapé de noir devant une trentaine de convives dégustant le mafé, obligé ! A ses pieds, sa kamele ngoni, sa maîtresse attitrée, celle qu’il cale entre ses deux genoux pour que ses histoires chantées s’accrochent à la douce et pétillante harmonie de cette harpe africaine. Paroles de cordes pincées, paroles de souffle mesuré, Manolo joue l’homme-orchestre d’autrefois, musicien ambulant entre flûte peul, guitare sèche et didgeridoo, one man band qui parfois revient à sa langue natale pour intercaler du Brel lorsqu’il interprète « ces gens-là », l’histoire ténébreuse d’un amour inaccessible. Mais lorsqu’il revient à son « bora » écriture imaginaire d’un phrasé posé du conteur affirmé, Manolo invite […]
12 mars 2025

En mobylette sur le Larzac, destination Mas Razal

Ce dimanche, Justine Wojtyniak et Stefano Fogher invitaient sur leur scène du Mas Razal, la compagnie « le plus petit espace possible » pour leur spectacle « Mobylette ». «Mais par où tu es arrivé toi ?» En descendant ce long escalier de bois où un chat se prélassait entre deux marches, Justine m‘interpella, assise sur une petite chaise, le visage éclairé par un beau soleil, invité salutaire aux airs printaniers. Auprès d’elle, des objets particuliers, décor singulier, un pot d’épis séchés, une mappe monde, un chapeau haut de forme posé en équilibre sur un abat-jour, le crane d’une brebis, une petite boîte rouge, coffret à ranger des secrets. Et puis, devant elle, ce petit cahier dont elle tournait les pages ouvertes sur la liste des convives et conviés. Je n’étais pas le premier arrivé, mais presque. La maîtresse de maison griffa mon nom, je lui versai mon obole et posait mes fesses dans le creux d’un divan moelleux, invitation, je supposais, à la délicatesse des après-midi paresseux. J’étais donc au Mas Razal, ce lieu de résistance et de liberté artistique. Les jambes allongées à observer les invités, pour la plus-part des habitués, la nouvelle garde du plateau et quelques visages connus, vieille garde de la lutte du Larzac que Justine embrasse à la manière de nos grands-mères, l’étreinte maternelle et charnelle. Au-dessus de ma tête, un petit écriteau noir punaisé sur du lambris, je me suis levé pour en lire le message manuscrit »c’est bien la pire folie que […]
12 mars 2025

Cavalcade en Cocazie, l’aventure musicale de Frédéric Jouhannet aux confins de la Mer Noire

« Tient, tient, tient… ! » Débarrassé de cet inattendu et surprenant feuillage l’enveloppant de la tête aux épaules, le visage de Frédéric Jouhannet est apparu, cette bouille un peu lunaire qui ne m’était pas étrangère. Le temps des partitions givrées terminées, une semaine après avoir accompagné Nicolas Jules et Roland Bourdon sur la scène millavoise, celui-ci se présentait sur une petite estrade ceinturée d’un velours noir pour un voyage musical, direction la Circassie. Il faut ouvrir un vieil atlas sur une double page allant de la Bessarabie à l’Oural pour situer dans ce vieil empire russe, cette langue de terre nord-caucasienne buttant sur la Mer Noire, autrefois peuple montagnard et insoumis au Tsar Alexandre II, chassé de leur terre et contraint à un exil meurtrier, nettoyage ethnique affirmé. Frédéric Jouhannet est un voyageur curieux et intrépide. Dans ces contrées isolées, tel le barde privé de la parole, il nous enveloppe de sons pour exprimer la richesse d’un folklore renaissant dont il s’est imprégné. Au premier plan, deux petits chevaux en plâtre beige, il les caresse affectueusement comme autrefois le paysan adyguéen balayant le crin de son cheval fougueux au retour d’une croisade contre les razzias cosaques. Le concertiste en instrumentiste bricoleur joue de sa virtuosité pour que le public se lève et se prenne par la main pour une cavalcade enchantée. Il ondule ainsi comme pour épouser le mouvement régulier de la houle. La Mer Noire de l’exil était face à nous ! Photographies réalisées sur la Commune de […]
11 mars 2025

Les Givrées, Emma Calvé, son intime, le sublime, le dramatique de sa vie !

Nous sommes rentrés à pas feutrés, presque intimidés, dans une douce pénombre, sans mots dire… Avec ce curieux sentiment d’appartenir à un cercle très privé, très fermé, très privilégié, comme autrefois, dans ces demeures bourgeoises, lorsque Emma Calva, dans sa fin vie en souffrance, tenait encore quelques récitals devant un parterres de notables dans la suffisance de leur richesse. La lumière s’estompa dans la pièce, nos souffles retenus dans un silence seulement trahi par quelques chaises grinçantes, les mains jointes, nos corps figés, nous nous tenions droits, nous pouvions être irradiés… Ainsi, nous avions franchi le gué voulu par Justine Wojtyniak, la metteuse en scène, une main tendue pour nous transporter dans l’intime, le sublime, les amours égarés, gâchés, le dramatique de la vie d’Emma Calvé interprétée par la soprano Inès Berlet, autant chantée que contée accompagnée de Swan Starosta en complice et pianiste. Une voix d’éclat, chaude, dorée, piquante, comme l’aurait espéré le compositeur Georges Bizet en créant Carmen. « Quand je vous aimerai ? Ma foi, je ne sais pas, peut-être jamais ? Peut-être demain ? Mais pas aujourd’hui, c’est certain » chantait Emma Calvé, en femme libre, en diva, maîtresse de sa voix, de son corps, les épaules recouvertes de gracieux boléros de perles. Spectateurs muets, nous étions ainsi invités à nous glisser dans ce tableau de sensations, de passion. J’en suis sorti ému. Photographies réalisées lors de la représentation de « L’oiseau que tu croyais surprendre battit de l’aile et s’envola » créée par la compagnie […]
11 mars 2025

Les Givrées, Nicolas Jules, conteur, charmeur, sur le sable mouvant de ses sentiments !

Petit blouson tombant sur le haut les hanches, la belle coupe de cheveux légendairement ébouriffée du matin jusqu’au plus profond des nuits de tournées aux chambres standardisées, quinze minutes avant de monter sur scène, Nicolas Jules fumait encore sa clope sur le trottoir. Puis il est rentré, allée de droite pour discuter, en apparence pas vraiment stressé. Adossés au mur, les quatre membres de la formation « Sages comme des Sauvages » l’ont chambré « ben si tu as la langue qui te pique, ben c’est que tu as roulé trop de galoches. Et puis si tu veux plus que ça pique, alors tu roules encore plus de galoches et tu seras immunisé ». Nicolas Jules est passé derrière le rideau pour quitter son blouson de cuir, micro branché, guitare accordée, la langue déliée, les picotements oubliés, il s’est lancé. Lorsqu’il chante l’amour, la solitude mais surtout lorsqu’il parle, il faut se méfier des apparences. Car ce gars-là a du bagou, lui-même l’avoue, lorsqu’il raconte avec brio des histoires « crèves silence » très personnelles et croustillantes comme des roses séchées aux épines aiguisées. Avec ce phrasé et ce timbre de voix à faire fondre les mamies émoustillées au premier rang de la salle, les yeux braqués sur l’artiste french lover aux allures d’éternel jeune premier au déhanché sans équivoque ! Nicolas Jules vous invite sur la banquette de ses tournées, dans les rades du soir, dans ces chambres d’hôtel où la télé tue l’ennui les fins de nuit éveillées. […]