Nous sommes rentrés à pas feutrés, presque intimidés, dans une douce pénombre, sans mots dire… Avec ce curieux sentiment d’appartenir à un cercle très privé, très fermé, très privilégié, comme autrefois, dans ces demeures bourgeoises, lorsque Emma Calva, dans sa fin vie en souffrance, tenait encore quelques récitals devant un parterres de notables dans la suffisance de leur richesse. La lumière s’estompa dans la pièce, nos souffles retenus dans un silence seulement trahi par quelques chaises grinçantes, les mains jointes, nos corps figés, nous nous tenions droits, nous pouvions être irradiés… Ainsi, nous avions franchi le gué voulu par Justine Wojtyniak, la metteuse en scène, une main tendue pour nous transporter dans l’intime, le sublime, les amours égarés, gâchés, le dramatique de la vie d’Emma Calvé interprétée par la soprano Inès Berlet, autant chantée que contée accompagnée de Swan Starosta en complice et pianiste. Une voix d’éclat, chaude, dorée, piquante, comme l’aurait espéré le compositeur Georges Bizet en créant Carmen. « Quand je vous aimerai ? Ma foi, je ne sais pas, peut-être jamais ? Peut-être demain ? Mais pas aujourd’hui, c’est certain » chantait Emma Calvé, en femme libre, en diva, maîtresse de sa voix, de son corps, les épaules recouvertes de gracieux boléros de perles. Spectateurs muets, nous étions ainsi invités à nous glisser dans ce tableau de sensations, de passion. J’en suis sorti ému. Photographies réalisées lors de la représentation de « L’oiseau que tu croyais surprendre battit de l’aile et s’envola » créée par la compagnie […]