Blabla

27 juin 2018

Un jour de Grand Prix sans chichi

  Cela me rappelle le Grand Prix de Chardoille. Félix Potin, c’était le ferrailleur du quartier de la gare, propriétaire d’une casse à Juva 4 où gamins, nous jouions les Al Capone. Felix, c’était Monsieur le président du club de vélo. Dans la campagne, d’Allogny à Quincy, de Reuilly à Neuvy, chaque dimanche, il plantait son petit décor. Avec sa gouaille, son TUB Citroën, sa boîte à outils et son crachoir pour annoncer le passage des coureurs. C’était l’époque des frères Villepelet. Des paysans de la plaine du Berry. Des costauds, des rustiques, des cuissots de taureaux. Forgés au lever de bottes de paille, à la charrue et aux hivers humides au cul des vaches. Des malins, des roublards se partageant, de Pâques à la Toussaint, primes, victoires et coupes de pacotilles. Parfois Jean Graczyck venait dire le bonjour et se jeter vite fait, quelques verres de gris, du Quincy, du Mennetou, du Reuilly. En voisin, il habitait Vignoux sur Barangeon, pour serrer des paluches, pour conter des histoires de chasse patate. Avec sa gueule creusée, taillée au coupe chou, quinze ans pro en passant chez Lejeune, chez Bic et chez Ford. Sacré Popoff, une carrière de puncheur, sept « Tour de France » et 5 victoires d’étape, ça classe, la classe. Déjà, on se garait sur le bas côté de la chaussée. Des 4 CV, des Dauphines, des Arondes. On pissait dans les fourrés. On se graissait au Laodal. Les vieux sortaient les chaises rempaillées et mâchouillaient des tiges de blés […]
27 juin 2018

L’or blanc vaut mieux que le lait caillé

  « J’aurai 80 ans cette année ». Monsieur Plagnard se frotte la pomme des mains en murmurant ces mots. Comme si à chacune de ses respirations, il guettait l’inconnu « 80 ans, ça change tout. C’est plus la même chose ». Chaque année, entre le Circus et la Cap, Monsieur Plagnard m’offre le café. C’est un rituel, comme de mettre un cierge dans une petite chapelle, pour voir scintiller une flamme tremblante dans la pénombre des lieux, sans mot dire, sans rien se dire. Lui et son épouse habitent la ferme familiale de la Vincente. Il y est né, à l’arrière de ce qui est aujourd’hui une étable. Au pied de ces immenses alpages où le toit des burons brille parfois comme des loupes lorsque le soleil levant fouette et embrase le pic de Gudette. Le café, il le sert à la casserole tout juste sortie du feu. Habituellement, il propose un gâteau sec. Autre rituel que de tremper le biscuit sorti d’une boîte en fer, comme une offrande, une oblation. Mais pas cette fois. Raymond Plagnard est né au temps des hivers qui fissurent les plafonds de verre. Au temps des chutes de neige où le manche de pelle poli par la corne prend la forme des mains rugueuses et calleuses. Au temps des printemps humides, encore neigeux, souvent « brouillasseux » qui se font attendre, qui rendent les hommes, les femmes hargneux et grincheux. Raymond est donc né dans la montagne, au pied du Fer à Cheval. […]
27 juin 2018

Vent de travers un jour de viaduc

  Le noir Soulages, le noir des ténèbres, profond, impénétrable, « l’outrenoir ». Face à nous, le ciel s’était maculé d’un noir Soulages, coiffant l’horizon d’une chape de plomb, bien au-delà des rives de Loire, bien au-delà de ces grands peupliers, fins du pied, fragiles, graciles, se courbant déjà sous la puissance d’un vent déchirant. L’orage allait crier sa rage, c’était sauve qui peut dans « l’outrenoir ». « Mais vous n’allez pas rester là ? ». Nous nous étions réfugiés sous un appentis, le dos collé au mur déjà humide. Un petit bonhomme tout rond venait de cogner au carreau poisseux « allez venez, j’ai du Bourgueil rouge, ça va vous réchauffer ». On s’est regardé, nous avons hésité. La pluie martelait et fouettait le sol. La foudre tournoyait comme le bourreau au pied de l’échafaud. L’homme a rajusté sa casquette de marinier, signe de dire « alors, vous vous décidez ? ». On ne s’est même pas présentés. Nous étions finalement de simples pèlerins de passage partageant un maigre quignon de pain. Ca allait de soit, dans ce garage sombre et bas de plafond. Nous nous sommes assis sur un banc et nous avons posé nos coudes sur une toile cirée bien dégraissée. Au dessus de nos têtes, trois crabes séchés et poussiéreux se dandinaient sur un fil de pêche, le petit homme de lâcher « j’ai eu quatre cancers. Et à chaque fois, j’ai accroché une de ces bestioles pour lui dire merde à cette saloperie». Il […]