Mathieu et Margot, de la piste aux sillons du maraîchage !

Jour à peine naissant, vallée du Tarn en enfilade, route déserte, vitres ouvertes, goudron grisonnant fraîchement gravillonné crépitant sous mes roues.

Radio muette pour ne pas gâcher le plaisir de dévaler cette vallée avec au loin, à hauteur du pare soleil, entre deux nappes de brumes sombres, une pointe de jour perçant.

Peyre, Candas, le pont de St-Rome enjambant le Tarn, se laisser ainsi glisser en toute simplicité, la rivière si proche, d’un vert puissant, vert marécage, léchant ces bordures de roseaux élégants, tiges graciles, équilibre fragile.

La rivière à mes côtés, sans me lâcher, aux reflets argentés, je me suis souvenu «tu tournes à droite, tu verras un poteau bleu et tu descends». Carrefour du Mas de la Nauque, aux portes des Raspes, la route du Viala était devant moi, j’ai grimpé.

Pas bien longtemps, car au poteau bleu et blanc, je suis descendu sur ma gauche. Piste sombre s’échappant sous d’immenses pins rectilignes et longilignes. Assez vite, un grand virage prononcé, en contre bas, un petit pont enjambant un filet d’eau et les premières serres sont apparues dans ce creux de vallon. Quelques voitures garées aussi, des arbres fruitiers, une maisonnette perchée sur la droite, dans l’allée, des jeux d’enfants, des ballons dégonflés, des vélos, un chien surnommé Pouncho, j’étais bien arrivé chez Mathieu et Margot.

Lui, c’est un grand costaud, un gaillard cachant sous son tee-shirt aux couleurs brûlées par le soleil de beaux restes de décathlonien et d’entraîneur d’athlé qu’il fut. Margot à ses côtés, un mouflet blondinet porté sur la hanche, c’est un petit bout de femme fine comme un pois rame, connue pour avoir été une athlète talentueuse, une ligne de CV bien cachée qu’elle ne révèle que rarement. Ce fut la vie d’avant avec séances lactiques, chambres d’appel et bruits de couloir pour cette coureuse de 8. Aujourd’hui, c’est rideaux bien tirés sans rien laisser filtrer, ou si peu, sur cette parenthèse athlétique.

Mathieu et Margot se sont donc installés comme maraichers sur ces terres pour prendre leur destin en main, pour ne plus dépendre des autres, pour vivre et construire, les mains dans le vivant, dans cette terre noire, riche et nourricière. En quête de liberté, sans regret, en parfaite connaissance des règles du jeu imposées par ce métier aux mille facettes d’apprenti paysan à apprenti mécano et commerçant. Les réveils matinaux fracassant, le manque d’eau dans le ruisseau attenant, la lutte contre les insectes ravageurs, les emprunts pesant le poids d’une vieux tagazou comme celui garé sous un auvent de toile. Sans pour autant attaquer sourires, bonne humeur et projets à tout va, Margot le regard toujours pétillant de celle qui n’a pas l’air de s’en faire, Mathieu le confirmant «ici, l’anxieux, c’est moi».

Je les ai donc suivis dans leur quotidien, Basile et Théo, en renfort, un duo inséparable, ainsi que la maman de Margot, aussi besogneuse que sa fille et son gendre, les mains déjà jaunies à cueillir les tomates sans oublier le chien Pouncho allant et venant dans les allées, s’excitant parfois sur un vieux ballon percé.

Il était 7 heures du matin, la petite entreprise déjà en branle. Certains se sont assis, le cul dans la rosée entre deux rangs de fraisiers, à ramasser, un coup à droite, un coup à gauche, les fruits rouges délicatement posés dans de petites barguettes en bois de peuplier. A discuter de tout et de rien comme de la baisse inquiétante des estivants dans cette partie de la vallée du Tarn aux portes des Raspes. Entre fraises à croquer et serres bien alignées, déambulation curieuse. Rencontre.

Photographies au long court dans ce vallon apaisant plongeant dans les eaux du Tarn aux portes des Raspe. Mathieu et Margot sont maraichers. On peut les retrouver, devant leur étal, sur les marchés de Millau et St Rome de Tarn avec leurs beaux légumes, leurs fruits pétillants de couleurs, leurs sourires et bonne humeur. Un bel exemple d’un changement radical de vie, les mains dans le vivant dans une terre riche et nourricière qu’ils cultivent en bio, avec soin et raison. Premiers clichés, première rencontre photographique qui devrait durer dans le temps.