LARZAC 2024…entre équilibre et souvenirs !

Au loin, soulevant un fin nuage de poussière, trois grosses berlines se dirigeaient vers la 4 voies. Pas franchement le genre de cylindrées que l’on retrouve aux abords d’une rave party. La première passa à mes côtés, puis la seconde, puis la troisième au ralenti. Vitre baissée, j’ai reconnu Madame la Sous-Préfète. Celle-ci, les deux mains sur le volant, la tête penchée pour me saluer avec un grand sourire m’interrogea « alors vous allez chercher vos enfants ? ». J’ai répondu « non, je vais simplement faire des photos ». Elle rétorqua en enclenchant la première pour quitter le chemin « et bien vous allez vous amuser ».

J’aime les lieux inconnus, les ambiances imprévues, les approches à l’affût avec au choix, un téléphone et un petit Lumix se balançant au bout d’un cordon accroché au poignet, les deux écrans allumés, pour cadrer au plus serré, au risque d’être perçu comme un intrus.

Cela ne manqua pas, à peine arrivé près de la scène principale dégageant un Bob Marley remixé, une jeune femme m’apostropha « ben le voilà, le plus ancien ». Je lui pointais un index sur le nez en lui répondant « tu as vu mon âge ? Imagine que tu as encore 40 ans de rave devant toi ! Tu as de l’avenir ». On s’est marrés et je suis rentré dans le pack. Gentiment chahuté, pris en photo par des jeunes gens manipulant des petits appareils argentiques, le son supportable pour mes tympans en décapotable. Puis j’ai bifurqué derrière la scène, une DJ italienne à la table de mixage, bustier plaqué en dentelle noire, épais rouge à lèvres, bras, dos et épaules délicatement tatoués, mèche blonde décolorée curly se balançant sur le front, elle swingue retranchée derrière son mur de son. Un homme m’aborde en Italien ou en Espagnol, avec le son m’irradiant le cortex, je ne distingue pas la différence, je lui réponds en anglais, il me renvoie « tu peux me parler en français ».

Tibobo, son nom de scène, est promoteur de spectacle et DJ him self. Assis sur un tronc d’arbre, il m’interroge « mais tu fais quoi là ? ». Passé ma réponse, j’apprends qu’avant d’irradier les scènes tekno d’un son percutant, il fut enfant du Larzac en avouant « je connais bien Francis »… »Euh ! Francis ? Tu veux dire Francis Roux de La Salvetat ? »… »Oui, c’est ça !»

Dibobo a vécu aux Infrux où il investissait, à peine âgé de 20 ans, l’ancien Relais de La Poste, sur le Larzac, croisant sur sa route le poète occitan Félix Castan. Ce lieu de vie, un squat autogéré n’a pas survécu au temps des illusions d’une jeunesse en quête d’un monde libéré.

Pour Larzac 2003, il était là, comment louper ça, sous un cagnard estival accablant, à l’identique de ce 14 avril, pour l’organisation d’un Teknival se greffant sur ce rassemblement altermondialiste non loin de l’échangeur de Cornus. Il me demande « tu étais là toi aussi en 2003 ? » « Oui, j’étais déjà là pour prendre des photos….Tu te souviens toutes les bagnoles garées sur l’autoroute en construction ? ».

Son pote assis à ses côtés me propose une vodka translucide. Je décline poliment. Ce n’est pas le lieu pour avouer mon abstinence à ce type de breuvage aux apparences anodines « non, ça va me déchirer ». On se quitte en se partageant nos adresses.

Dans la forêt 1989, des corps meurtris sont allongés, recroquevillés, certains le dos appuyé à des pins craquelés, la tête chancelante après une nuit au-delà de certaines limites. Entre deux sapins, une slackline est tendue. Une jeune femme, pieds nus se balance avec élégance. Elle flotte dans l’air chaud, dans le son irradiant comme libérée dans ce quartier arboré semblant autogéré. Est-ce cela une rave party ente équilibre et abîme ?

Photographies prises le dimanche 14 avril sur le Larzac dans le cadre de la rave party Larzac 2024