Un dimanche matin estival à tournicoter autour des Halles de Millau. Jour du marché aux puces, ambiance décontractée, une accordéoniste, des vendeurs du dimanche de tout, de rien et parfois de belles bricoles et puis ce petit manège tenu par Nathalie et Huguette. Brève rencontre entre deux tours de soucoupe volante dans l’ordinaire d’un été olympique !
« Ils sont forts ces champions
Ici on a des champions…
Le pompon, allez le pompon… !
Ho la la…Ho la la…
Allez on continue… Allez on continue…
Qui sera le prochain champion ?… »
Micro à la main, Nathalie est à la manœuvre alors que son manège tourne, tourne et que les moutards, la tête dans les étoiles, taquinent du bout des doigts le poil du pompon.
Huguette de m’interpeller « et dire que j’ai tout fait pour avoir une fille éduquée. Ah oui, j’ai tout fait. Elle a même fait de belles études d’anglais. Mais un jour, elle est venue me voir pour m’annoncer «Maman, je veux devenir forain et toutes les deux, on ira au bout du monde». Dans ce grand Massif Central du Puy de Sancy au Mont Aigoual, à la conquête d’un petit royaume, inséparables de village en village pour offrir des rêves sucrés aux bambinous et papinous bichant devant leurs grands champions du pompon.
Nathalie a posé depuis quelques jours sa petite soucoupe volante face aux Halles. Quant à Huguette, la maman, issue d’une longue lignée de forains auvergnats, sa mère vendait de la guimauve au pied du manège à chevaux de bois, elle s’est assise non loin devant un petit stand de sucrerie fait maison « allez goûter, goûter » en secouant un sachet de chouchous sous mon nez, devinant ma gourmandise assumée « ils sont faits d’hier. C’est là qu’ils sont les meilleurs ».
Huguette, 86 printemps facilement avoués, me fait penser à Paulette, ma belle maman, son aînée de cinq ans, des femmes fortes, toutes les deux nées dans une roulotte. Le même appétit pour les joies simples du quotidien, elle raconte « vous savez, nous aussi, nous sommes comme tout le monde. On a nos décès, nos peines. Mais si je suis encore là, c’est que je suis entouré par cette jeunesse et par mes petits enfants et arrières petits enfants. Ca, ça vous porte, ça, ça vous pousse. Et j’espère bien encore tenir longtemps».
Entre deux tours de manège, Nathalie s’échappe un instant de sa plate-forme pour s’hydrater et éclaircir une voix fatiguée aux côtés de sa maman rayonnante. Je l’interpelle «vous avez une licence d’anglais mais finalement vous aussi vous avez pris la route avec votre manège ». Elle s’exclame »après mes études, j’ai bien travaillé dans un agence de voyage mais j’avais besoin de liberté».
Pas le temps d’en dire plus, virevoltante, le micro déjà aux bords des lèvres…elle entonne «Alors, ils sont où ces champions ?»
Photographies prises le dimanche 27 juillet 2024 à Millau lors du Marché aux puces estival