Les Résistantes 2023, le temps presse !

Commençons par la fin, jour 3 des Résistantes, retour au bercail, petite route de L’Hospitalet, une pointe de nuit naissante, ciel chargé de nuages musclés.

J’ai tourné la molette des ondes, j’ai trouvé assez facilement dans le crachotie de mon vieil autoradio les 98.6 de Radio Résistantes. Dans le poste, une voix bien connue, gaillarde, un peu canaille, celle de Léon Maillet, illustre paysan, l’un des très rares combattants de la lutte, né sur le plateau, encore sur ses deux jambes. Au micro, une animatrice, vive et pétillante, voix fraîche et picotante, elle tient le bon client, questions enjouées, réponses délayées, c’est du petit lait, pointe de cannelle saupoudrée et gouttes de cognac délayées, ça coule tout seul.

Léon Maillet a cette phrase qui me colle les doigts au volant « Il est comme une bougie qui s’est éteinte ». Il parle ainsi de José Bové, le grand absent de ces Résistantes. Puis celui qui avoue verser aujourd’hui dans le complotisme ajoute pour atténuer son propos comme une excuse obligée «mais il ne faut pas oublier tout ce qu’il a pu faire et apporter».

L’ombre, la gueule, la pipe, la moustache, l’engagement de José Bové, dans l’embrasement des débats, des tables rondes, des joutes, des témoignages, des utopies partagées, des voix expertes, 150 rencontres lors de ces quatre journées, ce ne fut qu’un chemtrail à peine perceptible, vite évaporé, tel un vol d’oiseaux migrateurs traversant comme l’éclair ce ciel tourmenté.

Une histoire d’époque, le temps qui passe, une génération en voie de disparition bousculée par une génération porteuse d’avenir, sur le terrain de la contestation, de l’action, dans la confrontation.

Sous un chapiteau ouvert aux quatre vents échevelant, Hervé militant anti-nucléaire, dénonce et déconstruit la pensée de Jean Marc Jancovici et son Think Tank « Shift Project », l’expert très médiatique murmurant à l’oreille des grands le principe d’un avenir décarboné mais nucléarisé.

Le fil du micro se tend, passage de témoin, Angélique prend le relais pour dénoncer quant à elle le projet Cigeo d’enfouissement des déchets nucléaires à Bure «on refermera le trou et on croisera les doigts que personne ne vienne creuser. La relance du nucléaire, c’est un concept ignoble développant une profonde angoisse chez les nouvelles générations. Notre rôle, c’est constiper la filière nucléaire».

La jeune femme donne rendez-vous à l’assemblée «demain sous le chapiteau rouge, à 10 heures, nous relancerons la lutte contre le nucléaire et vous pourrez dire «j’y étais». La foule applaudit avec le même enthousiasme qu’en 2003 lorsque José Bové prenait le micro. 20 ans sont passés, le temps presse.

Photographies prises le 6 août 2023 sur le Larzac (Aveyron) dans le cadre des Résistantes 2023