Léon Maillé ne joue ni de la flûte, ni du pipeau, pourtant tel le charmeur de serpent, il peut vous ensorceler avec ses petites historiettes sorties contre toute attente de son chapeau.
En toutes circonstances, rencontré dans l’intimité du cimetière de St-Sauveur, un arrosoir la main ou bien encore devant le tribunal de Millau, présent pour soutenir Francis, Rocky et Eric, les trois paysans victimes de violence lors d’une manifestation, ce résistant jusqu’à son dernier souffle dégaine toujours la petite histoire titillant vos oreilles comme lorsque que l’on tapote le rebord d’un verre en cristal.
Nous attendions donc que la porte du tribunal s’ouvre enfin pour en savoir plus sur la peine requise contre nos trois militants. L’impatience était manifeste, chacun, chacune tuant le temps à sa façon, les drapeaux en berne, nombreux lorgnant sur les plats de frites servis aux affamés, les tracts posés à côté de l’assiette, le kebab fumant et odorant jusqu’à nos narines à portée de lèvres.
« Un jour, j’ai vendu une photo à Libé ». Ainsi commence l’histoire racontée par Léon Maillé, l’œil vif de celui qui vous harponne avec malice « j’étais sous la tour Eiffel (…le 27 novembre 1980, 74 paysans du Larzac campent sur le Champ de Mars…) et j’avais fait quelques photos en noir et blanc avec mon petit appareil (…il fait le geste avec les mains…). Et un journaliste de Libé passe, on discute et il me demande « vous avez fait des photos. Je peux avoir votre pellicule ? ». Le lendemain, l’une d’elle faisait la une du journal, une pleine page. Et quelques semaines plus tard, dans une enveloppe, je recevais un chèque, je me souviens…sa mémoire est prodigieuse…d’un montant de 1150 francs. C’était le tarif syndical de l’époque ».
Et comme chez Léon Maillé une histoire en pousse une autre, comme un shot peut en pousser un autre pour les âmes esseulées les soirs déjantés, il enchaîne par «et j’ai même écrit un article pour le Nouvel Obs. Je me souviens, j’avais voulu faire un truc dans l’esprit de Martin Luther King « j’ai fait un rêve ».
L’un des rêves du pasteur militant de la cause noire en ce jour du 28 août 1963 lors de la marche sur Washington pour l’emploi et la liberté était celui-ci « nous ne serons satisfaits que le jour où la justice se déversera comme un torrent et la droiture comme un fleuve puissant ».
Du rêve à la réalité, combien de temps faut-il ?
Photographies prises ce jeudi 20 février 2025 à Millau lors du procès des trois paysans du Larzac, Francis Roux, Eric Darley et Christian Roqueirol