Je ne suis pas né au Viala du Pas de Jaux. Dans le petit cimetière à main droite lorsque l’on arrive au village, je n’ai aucun descendant allongé pour l’éternité sous une dalle de marbre et je n’y ai jamais passé mes vacances de gamin chez un lointain tonton bourru à dormir sous de gros édredons et à courser le coq et le jars au risque de se faire mordre les mollets !
Mais pourtant, j’ai une affection particulière pour ce petit bourg médiéval comptant moins de cent âmes. Peut être me rappelle-t-il là où j’ai grandi ? Les mêmes petites maisons collées sans grandes commodités, avec leurs petites vérandas aux vitres brisées, leurs jardinets où des lignes de poireaux gagnent chaque année une nouvelle bataille face aux morsures d’un hiver jouant les prolongations, froid, humide et suintant.
Ce samedi, j’ai repris la route pour une traversée solitaire du Larzac, ne croisant que quelques chasseurs rentrant au bercail, dans le coffre, des chiens congelés par un vent du Nord ébouriffant les épouvantails à corbeaux.
Dans le village, j’étais sans doute trop en avance, vu le peu de voitures garées, j’ai douté que le concert programmé soit maintenu. A l’affiche, deux musiciens de jazz confirmés, Tom Gareil au vibraphone et le batteur Jérôme Antonuccio pour un set d’une heure d’improvisation programmé par « Culture Soudée ». J’avalais rapido pour me réchauffer les quelques marches puis l’escalier en bois conduisant à l’étage dans une belle salle de cette tour hospitalière, murs égayés pour la circonstance, tentures posées, lampadaires rétro aux abat-jours granny doré diffusant une lumière tamisée pour un concert intimiste. Le décor était posé.
Tom Gareil et Jérôme Antonuccio se glissent en complices dans ce décor sans artifices factices. Campant chacun devant leur instrument, ils se répondent, ils se complètent, ils se parlent dans un langage inconnu, dans un balayage musical d’une douceur caressante comme un va et vient effleurant une peau soyeuse dans creux des reins. Tout est subtilité, fin doigté, comme les effluves de sons divaguant dans l’espace, comme un nuage de feuilles graciles crissant sous un vent joyeux. Ensemble, à quatre mains, ils se frayent un chemin harmonieux, mélodie feutrée s’offrant à nous, dans l’imprévu de l’impro, liberté contrôlée et maîtrisée. A la croisée de mille trajectoires que ces deux artistes inventent entre irréel et réel. Est-ce cela « La vie vivante » chère au poète polonais Witold Gombrowicz ?
. Photographies réalisées le samedi 15 mars 2025 au Viala du Pas de Jaux lors du concert Acoustronic Duet réunissant Tom Gareil et Jérôme Antoniccio, proposé par le Collectif Culture Soudée avec le soutien des Amis de la Tour du Viala du Pas de Jaux
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