Bassons, Calvin, confessions impossibles ?

 

A quelques heures près, nous apprenions dans la douce lumière d’une simple vérité bonne à écouter, le retrait de Christophe Bassons de l’AFLD. A l’opposé, nous apprenions la sanction de Clémence Calvin, dans la noirceur d’un sombre couloir où se placardent à la mauvaise colle les fausses vérités.

Une coïncidence ? J’ai presque envie d’y croire. D’un côté un homme dans la résistance, dans le combat des plus viles vacheries d’un monde lâche et sans pitié. A l’opposé, une jeune femme dans l’impasse, dans l’énigme, dans le vertige, dans le fracas.

Au soir de ces deux « nouvelles », je les ai imaginés dos à dos dans l’immense salle du palais des glaces, chacun se retournant pour se mettre en joue…Quel face à face ! Chacun leurs armes, des mots simples qui claquent. D’un côté un homme qui avec sa voix douce à raconter des histoires de contes et d’épées se libère et demande « mais pourquoi ?» de l’autre une femme enchaînée et emmurée dans un poison de silences se braquant « mais vous ne savez rien ». Dans ce jeu de miroirs, écho contre écho, quelle dissonance !

Christophe Bassons, c’est un gars simple, nous nous connaissons depuis plus de 15 ans. Odile et moi, nous nous sommes souvent repassés l’image de ce grand gaillard aux joues creuses, aux omoplates creuses avec son grand short sur la ligne de départ dans la nuit des Templiers. La veille, au sortir d’un petit colloque consacré au dopage, il nous apostrophait «moi aussi j’ai envie de courir les Templiers». Le type simple, curieux, pas compliqué qui avait morflé aux côtés d’Armstrong, le texan fourbe, cupide et scapin de cette fabuleuse comédie vélocidépique. Le lendemain, à quatre heures du mat, il était déjà là, sous les tentures jaunes et rouges virevoltant au vent, engoncé dans un gros anorak « Festina », les guiboles à poil, sans poil « je vais me faire plaisir ». Bien au delà de cette simple anecdote, j’ai construit une profonde admiration pour Christophe Bassons car cet homme a su dire NON, il sait dire NON. C’est rare et précieux, c’est également ambitieux.

Je connais l’histoire de Clémence Calvin en ce jour de contrôle foireux du 27 mars dans les rues de Marrakech. J’en connais chacun des détails et je connais tout de sa défense. J’ai suivi avec un intérêt médusé « ses farces et attrapes au micro » stupéfiant mais je n’ai jamais douté de sa culpabilité. Mais pour autant, je ne connais pas les secrets de Clémence Calvin. Sauf coup d’éclat au Conseil d’Etat, Clémence Calvin est désormais en route pour une longue traversée du désert, un marathon du chagrin et de la honte, de larmes froides qui n’auront pas la saveur sucrée d’un « Paris » usurpé et frelaté. Clémence Calvin a dit OUI au temps court pour conquérir l’inaccessible, dans les bas faubourgs de l’impossible. Cette histoire sombre se termine pour l’heure ainsi, un filet aux mailles serrées jeté sur bien des secrets à décortiquer.

Au-delà de cet imaginaire face à face Bassons – Calvin sous la voûte céleste illustrant le sacre glorieux de Louis XIV, je les ai également imaginés assis face à face, à l’abri des regards indiscrets, au fond d’une salle d’un bistrot chic du Marais. Rencontre improbable ? Allez savoir ? Bassons de poser devant lui un petit papier blanc noirci de mille questions, la question du « Pourquoi cette fuite ?» mais pas seulement…la question essentielle du »Pourquoi ce chemin dévoyé ?»…la question du déclic, du passage dans l’au delà ?… la grande question du »Comment vivre ainsi ?»… du »Comment croiser le regard des autres sans ciller ?»… du »Comment exister sans être soit même ?».

J’imagine ainsi Clémence Calvin se livrer enfin, petit à petit, la confiance établie par les mots ronronnant d’un homme qui aujourd’hui veut faire de son métier, un combat contre les déviances. C’est de l’écoute, de la patience, lire dans le moindre battement de paupières, c’est de la croyance en l’autre, pour le pire à effacer et le meilleur à retrouver. Les poings serrés, la mâchoire serrée, le temps de la vérité, les épaules rentrées, le visage penché sur ce verre d’eau limpide. Confession ultime ?

Sur le parcours de Clémence Calvin, il y a eu maints et maints entraîneurs, maints et mains officiels, maints et maints cadres techniques, maints et maints présidents. Je ne veux pas les citer, ils se reconnaîtront. Sur ce chemin, il a tout simplement manqué un Christophe Bassons. Que la nouvelle génération, la génération Lisbonne puisse profiter de ce grave échec et de ce gâchis irréparable.

 

Millau, le 13 décembre 2019