Facteur jovial, besace en bandoulière, casquette de travers, une enveloppe matelassée qui atterrit sur notre bureau ?
Pas besoin de ciseau, contenu souple, vite déchirée, une seconde enveloppe, papier craft aussi vite déchirée…le haut d’une couverture aux couleurs d’automne, aux couleurs Templières. Le titre… »Chemins de pierres », au premier plan un peloton de brebis la mine réjouie, les oreilles en éveil, en second plan, une falaise ocre, le Boffi ? Le Pompidou ? En contre bas, au trait noir, épais, une rivière encaissée…la Dourbie ?
Sur la deux de couv., une écriture, celle de Pascal et Catherine en tandem dans la vie, dans la course d’une vie. Pascal, c’est Pascal Moreau, vingt quatre fois finishers des Templiers, l’époux de Catherine, qui ensemble, bras dessus bras dessous, depuis ce 25 octobre 1995, ont torsadé le fil d’une fidélité à toute épreuve avec les Templiers. Il écrit de sa plume de prof « Catherine l’a déniché au détour d’un sentier, sur le chemin de St Jacques. Une lumière a jailli et le bouquin était dans le sac ».
Ce livre sous la plume et le crayon de Troubs, parle des grands causses, pas ceux de chez nous, mais pas si loin de là, sur le Quercy aux confins de l’Aveyron. Le dessin est au noir, la narration aussi. L’auteur qui se cache derrière ce pseudo y conte la vie simple, secrète, cachée, silencieuse, des pierres, des dolmens, des murets, des souterrains, des cazelles…il utilise un joli nom, peut être l’a-t-il inventé pour l’occasion la « cailloutologie », cette science qui selon l’auteur se pratique « selon une singulière intensité ».
Pascal Moreau a dévoré ce petit livre au grain de papier qui accroche le doigté « à chaque page tournée, j’ai su que vous étiez là, caressant, tournant, soupesant, remettant en place ces pierres qui nous font courir et souffrir ».
Oui, avouons-le, la cailloutologie ou dit autrement la caillouterie, nous ne l’avons pas étudiée sur les bancs de l’université populaire des grands causses. Nous nous sommes laissés guider par cette « singulière intensité » à suivre une trace embroussaillée, un muret effondré, de jasses abandonnées en baumes encastrées dans la roche brune où les tapis humides de vieilles cendres sont encore là pour témoigner d’une intense et primitive activité. Avouons le également, nous avons tracé notre chemin, le notre, celui qu’il nous semblait pertinent de suivre avec comme balises végétales et minérales, une quille dolomitique, une source encastrée, un arbre remarquable.
Sur la première page de ce livret est écrit « pas à pas, le chemin fait la route » sur l’une des toutes dernières, il chantonne « je fais parler les pierres ». Pascal Moreau, l’ancien maire d’une petite commune de la Drôme, le directeur d’une école à la Jules Ferry, un amoureux de la géographie, des vieilles cartes du Vidal Lablache, des paysages purs ou impurs qui en disent long sur le passé et le présent…ce dégustateur de bons vins du Val de Loire…mais pas que…,s’est laissé caresser au hasard des pages par la douceur des mots, du récit, des rencontres comme ce vieil homme âgé de quatre vingt quinze ans croisé au détour d’un sentier, ce paysan à l’œil vif a le charme simple de raconter «des pierres, il en arrive toujours des nouvelles».
Sur nos grands causses, il n’y a pas de pierres qui roulent, elles sont plates, en strates, friables, cassantes, elles s’encastrent, elles s’imbriquent, elles délimitent, elles guident, elles soutiennent…la caillouterie dans toute sa finesse, sa justesse même si la pierre est rugueuse et souvent anguleuse.
Pascal Moreau sera au départ des Templiers pour la vingt cinquième fois tout comme Christian Vignaud et Jean Claude Belet « pour une course qui est pour nous, plus qu’un bout de terre ».
Au pays de la caillouterie et de la cailloutologie, les Templiers sont des filous.
Millau, le 3 octobre 2019