On finit toujours seul et seule au monde

 

Je comprends que l’on puisse se laisser enivrer…par le pouvoir, le fauteuil aux larges accoudoirs, aux persiennes qui se ferment pour gérer d’une main ferme, par les portes qui se claquent « chauffeur Roissy 2 s’il vous plait », par les serrages de paluches, par les arrosages truc muche, VIP, Super VIP, Extra VIP, Méga VIP, par les médailles couleur émail qu’on accroche sur des airs ronflant, par les podiums où l’on joue les gentilhommes, par les tribunes d’honneur où l’on chante comme un crooner….

Finalement, c’est quoi tout ça ??? Mener la danse du grand monde ?
Pourquoi se priver, la terre athlé est si féconde. Qu’importe les dangers, pourquoi ne pas se lancer adoubé par les siens ? On se croit légitime sans voir les abîmes. On prend la main d’une mariée trop belle pour soi, on serre un volant trop large pour soi au risque de se mettre sur le toit…on traverse la grande scène, on se croit mécène…

C’est ça le pouvoir, on sert des mâchoires, on lâche quelques pourboires, on joue les grandes âmes, plein pot fumant, macadam brûlant, promesses enivrantes, grands messes exaltantes, selfies ouistiti, mains moites, paroles et sourires d’acrobate.

Sauf que parfois ça fait mal, lorsque le train déraille, sans écran total, on cale, au pied de la muraille, la main sur le pommeau, le compteur à zéro. Vertige du néant, vertige béant. Pour ne pas avoir écouté, pour avoir négligé des évidences, sous-estimé, esquivé et même vitupéré contre la presse inquisitrice, dans le confort d’un trône bien plus grand que les Bouches du Rhône.

Sauf que gérer une fédération, ce n’est pas mener à la baguette, farder de paillettes, la foire du trône. On ne fait pas de l’athlé pour se bécoter au sommet de la grande roue. Dans un stade, on ne grimpe pas au ciel même si parfois les sauts, les lancers, les sprints dantesques et célestes s’inscrivent dans l’immensité, pour l’éternité. Dans un stade, dans le froid, dans le chaud, sous les lumières des « projos », au clap des bénévoles qui ne cherchent pas tous les auréoles, il y a des bambins qui ont déjà des rêves de gamins. Des cadets, casquette au vent, des cadettes la couette au vent qui ont des rêves lovés dans le creux de la main comme des petits poussins. Il y a des juniors, des espoirs, des seniors, dans l’illusion du rêve, des vétérans sur le fil invisible des rêves « parchemin », ils et elles sont des milliers. Ils et elles se sentent trahis. Moi aussi.

Clémence Calvin, Morhad Amdouni, Ophélie Claude Boxberger ont été bambins, gamins, juniors, espoirs, enfin seniors. Avec des rêves, les plus beaux, les plus calculés, encadrés par des techniciens aveuglés…Entre mensonges éhontés, duperie et mépris, que reste-t-il aujourd’hui ? Lorsque les derniers reflets s’estompent, on finit toujours seul et seule au monde.Athlète ou président.

Millau, le jeudi 21 novembre 2019