Une petite route grimpant au dessus du village, quelques pavillons ici et là, un chemin de terre à droite, même vitres fermées, la rumeur se laisse deviner. Ce mélange si caractéristique entre clameur et ferveur mixées dans un flow de claquements secs comme si une machine , dans un tempo saccadé débitait du bois mort aux quatre coins de ce carré de sable, serti d’une bordée de grands pins.

9 heures du matin, la première fournée est déjà sur le grill. Ca frappe déjà du bois. Ca claque déjà des mains, en jouant des 10 doigts pour guider de tous ses voeux la prochaine boule prête à fuser. Au sommet de cette colline, un stade, deux terrains sablonneux, dos à dos, séparés d’une lignée de tentes et de parasols multicolores. 5 joueurs dans chaque rangée. 8 quilles, allumettes géantes dressées pour être dégommées et des boules alignées comme de grosses pastèques suantes. Voilà pour la multiplication.

Les quilles de 8, ça se joue en bande de 5. Des bruns barbes taillées, des dégarnis crânes rougis, des costauds que l’on imagine fourche à la main soulevant une botte pesant son demi quintal, des minces taille de guêpe nageant dans des shorts flottants. Des 20 balais qui ont quillé à l’école des bleus et qui se cognent dans les poings comme des joueurs de la NBA, des 50 printemps encore guillerets qui ont bûcheronné sur tous les carrés sablonneux du Viaur à La Viadène, du Dourdou au Lévezou.

C’est un sport de force, d’adresse et de concentration, ça c’est pour le côté sportif et performance. Car un gars à plus de 50 points en une partie et 320 sur un championnat joué en 6 manches, ça se respecte. Mais c’est surtout, pour toutes et pour tous, un sport de camarades, de promo ou de boulot, de villages et de clochers, un sport des champs et des campagnes…c’était le cas à Golinhac. loin d’être rétro, loin d’être un sanctuaire du temps passé, même si chacun, chacune revendique ouvertement le droit de tisser les fils d’une histoire qui débuta en 1912 lorsque furent éditées les premières règles du championnat de jeu de quilles. Finalement bien dans son temps, loin de ces géants de la route aux pattes de flamants roses, loin de ces packs de piliers et d’ouvreurs épais du cou comme des taureaux que l’on vend sur le foirail de Malbouzon. Ces quilleurs sont natures, ils fument des clopes ou vapotent entre deux manches. Le bar du stade est ouvert, la mousse s’accroche aux moustaches. On y rejoue, un coude sur le comptoir les bons comme les mauvais coups, après avoir transpiré sous le blason très identitaire du club.

Rencontré dans l’attente de rentrer à nouveau dans le carré final, Clément, un jeune conducteur de travaux licencié à Bozouls me signifie « il faut que notre sport reste ainsi. L’arrivée des primes, personne n’en veut. On se connait tous, on vient pour cela, pour être ensemble. Faut surtout pas changer cela ».

 

Photographies réalisées le 8 juillet 2018 à Golinhac (Aveyron – France) dans le cadre des championnats de l’Aveyron Hommes

Ca casse du bois !