Un jour de Grand Prix sans chichi

 

Cela me rappelle le Grand Prix de Chardoille.

Félix Potin, c’était le ferrailleur du quartier de la gare, propriétaire d’une casse à Juva 4 où gamins, nous jouions les Al Capone. Felix, c’était Monsieur le président du club de vélo.

Dans la campagne, d’Allogny à Quincy, de Reuilly à Neuvy, chaque dimanche, il plantait son petit décor. Avec sa gouaille, son TUB Citroën, sa boîte à outils et son crachoir pour annoncer le passage des coureurs.

C’était l’époque des frères Villepelet. Des paysans de la plaine du Berry. Des costauds, des rustiques, des cuissots de taureaux. Forgés au lever de bottes de paille, à la charrue et aux hivers humides au cul des vaches. Des malins, des roublards se partageant, de Pâques à la Toussaint, primes, victoires et coupes de pacotilles.

Parfois Jean Graczyck venait dire le bonjour et se jeter vite fait, quelques verres de gris, du Quincy, du Mennetou, du Reuilly. En voisin, il habitait Vignoux sur Barangeon, pour serrer des paluches, pour conter des histoires de chasse patate. Avec sa gueule creusée, taillée au coupe chou, quinze ans pro en passant chez Lejeune, chez Bic et chez Ford. Sacré Popoff, une carrière de puncheur, sept « Tour de France » et 5 victoires d’étape, ça classe, la classe.

Déjà, on se garait sur le bas côté de la chaussée. Des 4 CV, des Dauphines, des Arondes. On pissait dans les fourrés. On se graissait au Laodal. Les vieux sortaient les chaises rempaillées et mâchouillaient des tiges de blés séchés. Sur la route, on prenait soin de balayer le crottin de cheval, vite récupéré pour fumer les plans de poireaux.

C’était l’époque des petits bistrots de campagne. Bas de plafond, enfumés, une étagère pour des coupes bien astiquées, au mur, près du bar encaustiqué, des affiches de riffles et de bals musette. C’était l’époque des miss de clochers, des rosières pas encore encanaillées, habillées de robes à fleur, la taille ceinturée, la chevelure choucroutée, petites reines arrosées d’eau de Cologne, prêtes à embrasser le coursier vite fait recoiffé.

Sur les hauts de Millau, j’ai retrouvé cela. Sans les bistrots, sans l’odeur du Ladoal, sans Popoff, sans miss endimanchées. Mais des gars au balai encore là à pousser le gravier, des vieux assis sur des bancs d’église, des bagnoles garées dans l’herbe le long des champs de colza. Une simple remorque pour estrade, un trait blanc sur la chaussée. Avec le temps des sprints, des primes, 30 euros ya pas de quoi changer un boyau ! Avec le temps des petites échappées pour mener la vie dure, pour faire grimper le mercure. Sur cette route de la Météo, au fond, ya rien de plus classique ! Ya rien de plus nostalgique !

 

Des cyclistes en dehors es temps modernes – Millau le 28 avril 2018

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